(M) WILD HEART ▷ LIBRE

Même des années plus tard, Romane se rappelle avec une facilité déconcertante le moindre détail de cette journée là. Elle a d'ailleurs toujours sur elle une photo de Joseph et d'elle, souvenir d'une vie terminée bien trop tôt, alors même qu'elle avait tant à offrir. Quand bien même ce fut difficile, la vie suivit son cours. Le comte et la baronne étaient désormais bien plus protecteurs avec Romane, un peu comme s'ils craignaient qu'un énième accident n'arrive. Elle était encore plus choyée et elle, en grandissant, elle se sentait étouffée. Elle avait besoin de respirer, de s'éloigner de ce cocon étouffant qu'était devenu le manoir dans lequel elle vivait avec ses parents. Et pour ça, elle est tombée sur Cooper. Cooper, ça a été sa bouffé d'oxygène, sa parenthèse heureuse. En théorie, la brune n'aurait pourtant jamais du rencontrer un homme dans son genre. Non pas qu'elle rechigne à fréquenter des personnes d'un autre catégorie sociale qu'elle. Au contraire, elle se fichait bien des revenus de chacun et ne choisissait pas ses fréquentations en fonction de ceux-ci. Mais il semblait être son total opposé et si elle n'était pas sortie un soir pour boire un verre avec des amies – l'un des rares soirs où elle a pu éviter le radar de ses parents -, elle ne l'aurait probablement jamais rencontré. Et ça aurait été un véritable malheur, malgré tout. Cooper, c'était ce type d'à peu près son âge accompagné d'un autre gars qui faisait pâle figure à côté de lui. Dès qu'elle est rentrée dans le bar avec ses amies, il a commencé à la fixer, ce qui a mis Romane mal à l'aise. Jusqu'à ce qu'elle finisse par aller le voir, intriguée. Elle fut surprise de le voir aussi hostile avec elle. Faut dire qu'il pensait que Romane était comme toutes ces filles riches qu'il méprisait tant. Il fut surpris lorsqu'elle l'envoya sur les roses, bien loin de se laisser marcher sur les pieds. Et finalement, malgré tout, c'est avec lui qu'elle termina la soirée. La soirée et même plus que ça puisqu'ils se virent relativement régulièrement lors des années qui suivirent. Ils n'étaient pas vraiment ensemble ; Cooper n'était pas vraiment du genre à se poser pour une relation sérieuse, surtout pas à leur âge. Et ça allait très bien à Romane qui se trouvait bien trop jeune pour songer à quoi que ce soit de sérieux. Tout aurait pu continuer comme ça des années encore.. Mais ça, c'était sans compter l'intervention de ses parents, intervention dont se serait bien passée Romy. Elle qui voulait profiter de sa jeunesse se retrouvait fiancée. A Clarence. Ne vous méprenez pas ; elle adorait Clarence. Elle le connaissait depuis presque toujours et même si leurs parents avaient déjà évoqué ces fiançailles, l'anglais avait toujours cru qu'il s'agissait d'une plaisanterie, d'un moyen de les taquiner un peu – ah, cette blague, comme si c'était leur genre ! Et là, voilà qu'ils avaient officialisé les choses en annonçant publiquement, au cours d'une soirée, que la famille Grant et la famille Winslow était plus que ravies d'annoncer leur union par le biais d'un futur mariage entre leurs enfants. Surprise. Incompréhension totale. Elle n'avait même pas eu le temps de parler à Cooper. Elle avait aperçu son visage de loin, cet air blessé qu'il avait et ce regard assassin qu'il lui avait balancé avant de partir. Et ça avait été suffisant pour qu'une fois que les invités soient partis, Romane se laisse emporter par son énervement et se défoule sur son père. « HORS DE QUESTION ! » Sa voix résonnait, preuve que le manoir était désormais bien vide. « T'as compris ? Je vais pas me marier, pas avec Clarence. On est plus au XVIème siècles merde ! » « Ton langage, Romane. Un peu de tenue. » Douche froide. Ainsi, c'était donc ce que son père retenait de son opposition à ce mariage ? Il l'essuyait de la même façon qu'il l'aurait fait d'un caprice, en l'ignorant et ne faisant que relever ce mot vulgaire et inapproprié pour une femme de son rang qui lui avait échappé. Ses poings se serrèrent, elle voyait rouge. « Je fréquentais quelqu'un d'autre et tu le savais ! » l'accusa-t-elle. Cette fois, elle semblait avoir attiré l'attention de son père qui daigna tourner la tête vers elle, impassible. « Tu ne parles tout de même pas de cet homme avec qui tu t'affichais parfois à nos soirées ? Un peu de sérieux, Romane. Cette amourette n'avait aucun avenir. Une femme comme toi mérite quelqu'un du même rang et Clarence est l'homme parfait. » « Mais je.. » « Assez. J'ai à faire alors maintenant, cesse donc ce caprice inutile. Tu épouseras Clarence. » Et comme ça, en quelques mots à peine, le comte avait scellé l'avenir de sa fille dans le simple but de gagner toujours plus d'argent, sacrifiant le bonheur de sa fille. Romane a continué à protester des jours durant, sans succès. Alors, elle a abandonné et laisse croire à ses parents qu'elle va se marier avec Clarence. Heureusement pour elle, son pseudo fiancé était sur la même longueur d'ondes. Il ne voulait pas d'un mariage, surtout pas avec elle, une fille. Elle comprenait, Romy, qu'il pouvait pas faire semblant bien longtemps et qu'il pouvait pas être heureux comme ça. Elle non plus elle l'était pas. Quand bien même elle aimait beaucoup Clarence, il n'était pas Cooper. Cooper qui refuse de lui adresser la parole depuis ce soir-là. Cooper et cette bulle dans laquelle il vivait avant tout ça en s'imaginant que leur différence de classe sociale n'était pas un obstacle. Cette bulle de bonheur avait brutalement éclaté, les ramenant à la réalité. Rien n'était facile, surtout pas le bonheur et il semblait qu'il fallait lutter pour y avoir accès. Dans ce cas là, très bien, elle lutterait. Ce mariage n'aura pas lieux et elle allait reprendre sa vie en main en faisant ce qu'elle voulait. Clarence allait sans doute en faire de même. Leurs parents avaient été égoïstes en imposant un mariage favorable à leurs arrangements financiers ; à leur tour d'être égoïstes maintenant.